Extrait<br />| I<br />Les membres du Jockey-Club venaient de f&ecirc;ter, ce soir, la toute r&eacute;cente &eacute;lection &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie du marquis de Ghiliac, l&rsquo;auteur c&eacute;l&egrave;bre de d&eacute;licates &eacute;tudes historiques et de romans psychologiques dont la haute valeur litt&eacute;raire n&rsquo;&eacute;tait pas contestable. Dans un des salons luxueux, un groupe, compos&eacute; de ce que le cercle comptait de plus aristocratique, entourait le nouvel immortel pour prendre cong&eacute; de lui, car la nuit s&rsquo;avan&ccedil;ait et seuls les joueurs acharn&eacute;s allaient s&rsquo;attarder encore.<br />De tous les hommes qui &eacute;taient l&agrave;, aucun ne pouvait se vanter d&rsquo;&eacute;galer quelque peu l&rsquo;&ecirc;tre d&rsquo;harmonieuse beaut&eacute; et de supr&ecirc;me &eacute;l&eacute;gance qu&rsquo;&eacute;tait &Eacute;lie de Ghiliac. Ce visage aux lignes superbes et viriles, au teint l&eacute;g&egrave;rement mat, &agrave; la bouche fine et railleuse, cette chevelure brune aux larges boucles naturelles, ces yeux d&rsquo;un bleu sombre, dont la beaut&eacute; &eacute;tait aussi c&eacute;l&egrave;bre que les &oelig;uvres de M. de Ghiliac, et la haute taille svelte, et tout cet ensemble de gr&acirc;ce souple, de courtoisie hautaine, de distinction patricienne faisaient de cet homme de trente ans un &ecirc;tre d&rsquo;incomparable s&eacute;duction.<br />Cette s&eacute;duction s&rsquo;exer&ccedil;ait visiblement sur tous ceux qui l&rsquo;entouraient en ce moment, &eacute;changeant avec lui des poign&eacute;es de main, ripostant, les uns spirituellement, les autres platement, &agrave; ses mots &eacute;tincelants, qui &eacute;taient de l&rsquo;esprit fran&ccedil;ais le plus fin, le plus exquis, &ndash; un vrai r&eacute;gal&nbsp;! ainsi que le disait une fois de plus un de ses parents, le comte d&rsquo;Essil, homme d&rsquo;un certain &acirc;ge, &agrave; mine spirituelle et fine, en se penchant &agrave; l&rsquo;oreille d&rsquo;un jeune Russe, ami intime de M. de Ghiliac.<br />Le prince Sterkine approuva d&rsquo;un geste enthousiaste, en dirigeant ses yeux bleus, clairs et francs, vers cet ami qu&rsquo;il admirait aveugl&eacute;ment.<br />&Agrave; ce moment, M. de Ghiliac, ayant satisfait &agrave; ses devoirs de politesse, s&rsquo;avan&ccedil;ait vers M. d&rsquo;Essil&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Avez-vous une voiture, mon cousin&nbsp;?<br />&Agrave; tous les dons re&ccedil;us du ciel, il joignait encore une voix chaude, aux inflexions singuli&egrave;rement charmeuses, et dont il savait faire jouer toutes les notes avec une incomparable souplesse.<br />&ndash;&nbsp;Oui, mon cher, un taxi m&rsquo;attend...|