Extrait<br />| I<br />Le ronflement de la faucheuse rompait presque seul le silence qui r&eacute;gnait sur les champs maintenant &agrave; peu pr&egrave;s compl&egrave;tement d&eacute;pouill&eacute;s. Les travailleurs, las d&rsquo;une journ&eacute;e de chaleur orageuse extr&ecirc;mement p&eacute;nible, &eacute;changeaient &agrave; peine, de temps &agrave; autre, quelques interpellations sans entrain. Ils se h&acirc;taient, car, vers l&rsquo;ouest, de lourds nuages sombres, ourl&eacute;s d&rsquo;une teinte cuivr&eacute;e, annon&ccedil;aient un orage prochain.<br />&ndash;&nbsp;Allons, les gar&ccedil;ons, &ccedil;a avance&nbsp;! Encore une demi-heure, et tout sera fini&nbsp;!<br />Ces mots &eacute;taient prononc&eacute;s par un grand vieillard maigre, dont la physionomie bienveillante et noble s&rsquo;encadrait d&rsquo;une large barbe blanche. Il &eacute;tait v&ecirc;tu simplement, en propri&eacute;taire campagnard. Il y avait en lui un singulier m&eacute;lange de rusticit&eacute; et de distinction... Et c&rsquo;&eacute;tait celle-ci qui l&rsquo;emportait un peu sur l&rsquo;autre.<br />&ndash;&nbsp;Une demi-heure, monsieur Bord&egrave;s&nbsp;?... Croyez-vous que l&rsquo;orage va attendre jusque-l&agrave;&nbsp;? dit un des moissonneurs.<br />Le vieillard leva les yeux vers l&rsquo;ouest et fron&ccedil;a un peu ses &eacute;pais sourcils blancs.<br />&ndash;&nbsp;Hum&nbsp;!... Enfin, travaillez ferme, mes gars, peut-&ecirc;tre &ccedil;a se tirera-t-il jusque-l&agrave;&nbsp;! Et puis, on vous pr&eacute;pare un bon repas l&agrave;-bas, pour le dernier jour de la moisson. N&rsquo;avez-vous pas vu mon petit-fils par ici&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;M.&nbsp;Laurent &eacute;tait l&agrave; il y a dix minutes. Il est all&eacute; faire un tour aux vignes, qu&rsquo;il m&rsquo;a dit, r&eacute;pondit celui qui dirigeait l&rsquo;&eacute;quipe des travailleurs.<br />&ndash;&nbsp;Bon, merci, Michel.<br />D&rsquo;un pas alerte, le vieillard se dirigea, en coupant &agrave; travers les sillons, vers le sentier qui longeait d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; les champs et de l&rsquo;autre une haie de noisetiers, que couvraient d&rsquo;ombre de jeunes ch&ecirc;nes en pleine ardeur de s&egrave;ve. Le vieillard s&rsquo;arr&ecirc;ta une seconde, en jetant un coup d&rsquo;&oelig;il vers un coteau garni de vignes, qui se dressait mollement, l&agrave;-bas, au-del&agrave; des champs. Puis, levant les &eacute;paules, il continua sa route en murmurant&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Il n&rsquo;y est peut-&ecirc;tre plus. Ce n&rsquo;est pas la peine que je m&rsquo;attarde &agrave; le chercher, par un temps pareil surtout. L&rsquo;air devient absolument irrespirable&nbsp;!...|