Extrait<br />| I<br />Une lampe &eacute;lectrique, coiff&eacute;e d&rsquo;un abat-jour couleur de pourpre, &eacute;clairait le petit fumoir d&eacute;cor&eacute; avec un go&ucirc;t sobre. Dans la clart&eacute; douce, un peu ros&eacute;e, se d&eacute;tachaient le visage &eacute;nergique et froid du comte Boris Vlavesky, avec ses yeux songeurs, souvent ironiques, toujours &eacute;nigmatiques, et pr&egrave;s de lui la p&acirc;le et mince figure du comte Cyrille, son cousin germain.<br />Ils appartenaient tous deux &agrave; une race ancienne et tr&egrave;s noble. Le p&egrave;re de Boris avait dilapid&eacute; au jeu une grande partie de sa fortune, et sa m&egrave;re avait vu la sienne diminu&eacute;e par de mauvais placements. La comtesse, veuve depuis une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es, administrait le domaine de Klevna, dont elle versait &agrave; son fils les revenus. Ceux-ci, bien qu&rsquo;assez consid&eacute;rables encore, semblaient peu de chose &agrave; un homme tel que le comte Boris, &eacute;lev&eacute; dans le luxe, ayant re&ccedil;u la plus brillante &eacute;ducation et poss&eacute;dant tous les go&ucirc;ts du grand seigneur. N&eacute;anmoins, on ne lui avait jamais connu de dettes. Il d&eacute;testait les cartes, ne pariait pas aux courses, et nul ne se souvenait de l&rsquo;avoir vu prendre du champagne plus que de raison, au cours des parties fines entre jeunes officiers.<br />Un de ses camarades avait dit de lui&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Il n&rsquo;y a pas d&rsquo;homme qui soit plus parfaitement ma&icirc;tre de soi, et qui apporte jusque dans le plaisir tant de clairvoyance, de scepticisme, avec la volont&eacute; de n&rsquo;&ecirc;tre jamais domin&eacute; ou encha&icirc;n&eacute;.<br />Fort intelligent, dou&eacute; d&rsquo;une rare capacit&eacute; de travail, le capitaine Vlavesky &eacute;tait not&eacute; comme le plus remarquable parmi les officiers des gardes &agrave; cheval. Nul mieux que lui, avec ce m&eacute;lange de fougue et de froide autorit&eacute; qui le caract&eacute;risait, ne savait entra&icirc;ner ses hommes et s&rsquo;en faire aveugl&eacute;ment ob&eacute;ir. Tr&egrave;s estim&eacute; de ses chefs, poss&eacute;dant en outre la faveur imp&eacute;riale, il jouissait d&rsquo;un fort grand prestige dans le corps d&rsquo;&eacute;lite dont il faisait partie...|