Extrait<br />| I<br />Pasca &eacute;leva entre ses mains la blanche soierie, et un rayon de soleil, glissant &agrave; travers les branches enchev&ecirc;tr&eacute;es des vieux h&ecirc;tres, vint caresser la chatoyante moisson fleurie jet&eacute;e sur l&rsquo;&eacute;toffe souple par la main de la jeune brodeuse. Campanules, muguets, l&eacute;g&egrave;res jacinthes, fra&icirc;ches roses pompon sembl&egrave;rent un instant, sous ce rapide jeu de lumi&egrave;re, vivre et palpiter, tandis que la brise ti&egrave;de, venue des profondeurs du bois de Silvi, compl&eacute;tait l&rsquo;illusion en apportant un d&eacute;licat parfum de fleurettes cach&eacute;es.<br />Un sourire de satisfaction entrouvrit les l&egrave;vres de Pasca. Ses yeux noirs, velout&eacute;s, dont l&rsquo;expression &eacute;tait singuli&egrave;rement profonde, contempl&egrave;rent pendant quelques minutes son &oelig;uvre. Puis elle &eacute;tendit sur ses genoux la feuille de soie et pencha vers elle, pour l&rsquo;examiner dans tous ses d&eacute;tails, sa t&ecirc;te d&eacute;licate, qui semblait supporter avec peine le poids d&rsquo;une souple et magnifique chevelure d&rsquo;un blond chaudement dor&eacute;, dont une partie retombait sur la nuque et jusque sur le cou &eacute;l&eacute;gant que d&eacute;couvrait le col du tr&egrave;s simple corsage blanc.<br />&ndash;&nbsp;Je crois que ce sera joli, murmura-t-elle.<br />Ses doigts agiles et fins se mirent en devoir de plier l&rsquo;&eacute;toffe soyeuse. Quand elle l&rsquo;eut envelopp&eacute;e dans une toile blanche, elle la posa pr&egrave;s d&rsquo;elle, sur le vieux banc de pierre, puis, croisant ses mains sur ses genoux, laissant son regard m&eacute;lancolique et grave errer autour d&rsquo;elle, Pasca parut s&rsquo;absorber dans une songerie profonde.<br />Elle se trouvait dans une petite clairi&egrave;re, son lieu de pr&eacute;dilection, o&ugrave; chaque jour, quand elle le pouvait, elle venait travailler quelque temps. Un vieux banc &eacute;tait l&agrave;, scell&eacute; au mur de l&rsquo;antique oratoire qui abritait la statue v&eacute;n&eacute;r&eacute;e de la Madonna del Fiore. Ce sanctuaire d&eacute;labr&eacute; avait une parure que d&rsquo;autres plus somptueux eussent pu lui envier&nbsp;; il disparaissait litt&eacute;ralement sous les roses. Celles-ci l&rsquo;avaient pris d&rsquo;assaut depuis la base jusqu&rsquo;au fa&icirc;te, elles se glissaient &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur par d&rsquo;&eacute;troites fen&ecirc;tres veuves de vitraux, s&rsquo;avan&ccedil;aient sur le vantail de ch&ecirc;ne &agrave; demi pourri par les intemp&eacute;ries, s&rsquo;&eacute;tendaient en longues tra&icirc;nes le long des colonnes du petit porche, et jusque sur le sol, envahissaient m&ecirc;me le banc verdi o&ugrave; s&rsquo;asseyait Pasca... Et bien loin, dans le bois, se r&eacute;pandait le parfum suave et enivrant de toutes ces roses...|