Extrait |<br />I Les h&ocirc;tes du vicomte de Tercieux revenaient de Biarritz o&ugrave; ils avaient pass&eacute; l&rsquo;apr&egrave;s-midi. Leurs &eacute;quipages&nbsp;: landaus, cal&egrave;ches, victorias, roulaient le long de la route conduisant au ch&acirc;teau d&rsquo;Uxage, entre les pr&eacute;s sur lesquels descendait l&rsquo;apaisante beaut&eacute; du soir. Au-dessus des bois qui marquaient la limite du domaine, le soleil finissait de s&rsquo;&eacute;teindre en p&acirc;les reflets roses et sa lueur mourante tra&icirc;nait sur la campagne silencieuse. Dans les voitures se continuaient les conversations commenc&eacute;es au d&eacute;part, la plupart potins mondains plus ou moins bienveillants. Il &eacute;tait surtout question aujourd&rsquo;hui de l&rsquo;attention que le prince Wittengr&auml;tz semblait accorder &agrave; la jolie Myrrha Nadopoulo, &laquo;&nbsp;cette enrag&eacute;e coquette&nbsp;&raquo;, comme la qualifiait, non sans quelque aigreur, Mme de Tercieux.<br />M. d&rsquo;Amblemeuse, diplomate en retraite, assis en face de la ch&acirc;telaine, fit observer&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Elle est diablement ensorcelante&nbsp;! D&rsquo;ailleurs, elle a de qui tenir. La belle comtesse Seminkhof, sa m&egrave;re, est toujours l&rsquo;enj&ocirc;leuse que je connus &agrave; Moscou il y a douze ou treize ans, au moment de son remariage.<br />&ndash;&nbsp;Elle est d&rsquo;origine grecque, n&rsquo;est-ce pas&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;Grecque, levantine, juive... on ne sait trop. Je crois qu&rsquo;il existe chez elle un m&eacute;lange de races. Ainsi, du reste, s&rsquo;expliquerait son type un peu &eacute;trange.<br />&ndash;&nbsp;Mais le premier mari&nbsp;?... L&rsquo;avez-vous connu&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;Non. Un riche n&eacute;gociant hell&egrave;ne, para&icirc;t-il, que cette belle personne ruina en quelques ann&eacute;es. Plus tard, elle r&eacute;ussit &agrave; prendre au filet un grand seigneur russe, veuf inconsolable d&rsquo;une femme d&eacute;licieuse appartenant &agrave; la plus haute aristocratie moscovite. Cette jeune comtesse Seminkhof, morte apr&egrave;s trois ans de mariage, laissait &agrave; son mari une petite fille. Sur le conseil de ses amis qui le voyaient pr&ecirc;t &agrave; succomber au plus violent d&eacute;sespoir, il se mit &agrave; voyager. Au Caire, il rencontra Mme Ism&egrave;ne Nadopoulo, qui entreprit de le consoler &ndash; ce &agrave; quoi elle r&eacute;ussit tellement bien que, six mois plus tard, elle &eacute;tait comtesse Seminkhof...|