Extrait<br />|I<br />Depuis deux heures, M. de Gesvres errait dans la for&ecirc;t, sans r&eacute;ussir &agrave; retrouver sa route, sans avoir rencontr&eacute; &acirc;me qui vive.<br />Tout d&rsquo;abord l&rsquo;aventure lui avait paru amusante. Au cours de ses nombreux voyages, il avait connu des incidents de toutes sortes, quelques-uns fort p&eacute;rilleux et, compar&eacute;e aux jungles de l&rsquo;Inde, aux for&ecirc;ts de l&rsquo;Amazone, aux sommets du Tibet, cette honn&ecirc;te for&ecirc;t franc-comtoise lui semblait un lieu de tout repos.<br />Cependant, il commen&ccedil;ait de se demander s&rsquo;il parviendrait &agrave; en sortir.<br />Des petits chemins sinueux se croisaient partout, entre les sapins, les h&ecirc;tres, les m&eacute;l&egrave;zes, et formaient un v&eacute;ritable labyrinthe dans lequel Henry s&rsquo;embrouillait de plus en plus. Le jour semblait pr&egrave;s de dispara&icirc;tre, et la neige se mettait &agrave; tomber en flocons lents et serr&eacute;s &ndash; la premi&egrave;re neige de l&rsquo;ann&eacute;e annonc&eacute;e par le vieux Guideuil, le gardien du ch&acirc;teau de Rameilles, celui qui avait dit aussi &agrave; Henry, ce matin, en d&eacute;signant la for&ecirc;t&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Celle-l&agrave;, elle est ensorcel&eacute;e, monsieur le duc, depuis des temps et des temps. Bien des gens s&rsquo;y sont perdus, et il y en a dont on n&rsquo;a jamais retrouv&eacute; m&ecirc;me les os.<br />Jacques de Terneuil, le ch&acirc;telain de Rameilles, l&rsquo;ami intime d&rsquo;Henry, qui &eacute;tait son h&ocirc;te depuis deux jours, l&rsquo;avait mis aussi en garde contre les tra&icirc;trises de la for&ecirc;t.<br />&ndash;&nbsp;Attends-moi pour faire sa connaissance. D&egrave;s que mon maudit rhumatisme me permettra de marcher comme de coutume j&rsquo;irai te pr&eacute;senter &agrave; elle et nous emm&egrave;nerons Guideuil, qui la conna&icirc;t dans tous les coins. Sans cela, tu risques de t&rsquo;&eacute;garer.<br />Henry avait dit&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Certainement, je t&rsquo;attendrai. Je n&rsquo;ai pas l&rsquo;intention d&rsquo;aller jusque-l&agrave; aujourd&rsquo;hui.<br />Mais une fois en route, il avait march&eacute;, march&eacute;, sans s&rsquo;en apercevoir, gris&eacute; par l&rsquo;air vif, tout occup&eacute; de la beaut&eacute; s&eacute;v&egrave;re du paysage... Et voil&agrave; qu&rsquo;en sortant d&rsquo;une combe sauvage, il s&rsquo;&eacute;tait trouv&eacute; au seuil de la for&ecirc;t...|