Extrait<br />| I<br />Feug&egrave;res ouvrit la porte qui faisait communiquer son cabinet avec le salon, et entra dans celui-ci, assombri par le cr&eacute;puscule. Une forme f&eacute;minine &eacute;tendue dans un fauteuil bas sursauta l&eacute;g&egrave;rement. Feug&egrave;res demanda&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Tu dormais, Gilberte&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;Oh&nbsp;! pas du tout&nbsp;! Je songeais... je me reposais...<br />La voix, bien timbr&eacute;e, semblait un peu haletante. Mme Feug&egrave;res se souleva, en tournant vers l&rsquo;arrivant son visage dont les belles lignes souples, la blancheur mate commen&ccedil;aient de se noyer dans l&rsquo;ombre l&eacute;g&egrave;re qui pr&eacute;parait la nuit.<br />&ndash;&nbsp;Sors-tu, Georges&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;Oui, je vais chez Br&eacute;cy... Quelle id&eacute;e as-tu de rester l&agrave; sans lumi&egrave;re&nbsp;?<br />D&eacute;j&agrave;, il &eacute;tendait la main vers un commutateur. Mais elle l&rsquo;arr&ecirc;ta du geste, en disant vivement&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Non, laisse&nbsp;! cette demi-obscurit&eacute; m&rsquo;est agr&eacute;able, quand je suis fatigu&eacute;e.<br />&ndash;&nbsp;Tu ne l&rsquo;es pas davantage, cependant&nbsp;?<br />Il s&rsquo;approchait. La main se posa sur l&rsquo;&eacute;paule de sa femme. Un dernier reflet du jour mourant &eacute;claira les traits un peu massifs de son visage, la barbe brune, les yeux clairs qui regardaient Gilberte avec une affection tranquille.<br />&ndash;&nbsp;Pas davantage... non. C&rsquo;est ce c&oelig;ur qui m&rsquo;&eacute;touffe.<br />&ndash;&nbsp;Il ne faut pas t&rsquo;en tourmenter. Le nouveau rem&egrave;de que tu essayes peut produire cet effet, a dit le docteur. Allons, &agrave; tout &agrave; l&rsquo;heure, mon amie.<br />Il se pencha, mit un baiser sur le front ti&egrave;de. Puis sa grande silhouette robuste traversa l&rsquo;ombre de la pi&egrave;ce et disparut derri&egrave;re une porte.<br />Gilberte se laissa retomber au plus profond du fauteuil. Ses mains se crois&egrave;rent sur la soie claire de la robe d&rsquo;int&eacute;rieur. Autour d&rsquo;elle, &agrave; chaque minute qui passait, les meubles, les objets, les tentures devenaient plus indistincts sous le voile lentement &eacute;tendu de la nuit...|