Extrait<br />| I<br />Le jour perdait sa lumi&egrave;re fr&eacute;missante, que le soleil au d&eacute;clin emportait avec lui. Tugdual Meurzen, derri&egrave;re la vitre d&rsquo;une porte-fen&ecirc;tre, la voyait quitter lentement le petit jardin touffu, qui restait &eacute;clair&eacute; cependant, mais d&rsquo;un reflet p&acirc;le et froid de foyer trop lointain. Il s&rsquo;imaginait voir frissonner les palmes des ph&oelig;nix, les feuilles l&eacute;g&egrave;res des mimosas, et m&ecirc;me les rudes pointes aigu&euml;s des alo&egrave;s. C&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;heure dangereuse de ces rives de soleil &ndash; l&rsquo;heure que Tugdual aimait pour sa m&eacute;lancolie.<br />Derri&egrave;re lui, une voix demanda&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Vas-tu sortir maintenant, Tug&nbsp;?<br />Il se d&eacute;tourna et regarda la mince figure de femme, l&eacute;g&egrave;rement fl&eacute;trie, qui se d&eacute;tachait sur le coussin de toile bise d&rsquo;une chaise longue. Deux yeux d&rsquo;un vert p&acirc;li s&rsquo;attachaient sur lui, sur son visage aux traits forts, un peu rude, et triste, ferm&eacute;, trop pensif.<br />&ndash;&nbsp;Oui, &agrave; l&rsquo;instant, ma m&egrave;re. Vous faut-il quelque chose&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;Non, merci, mon enfant. Mais pars vite, et ne tarde pas trop &agrave; revenir. Je ne comprends pas ton id&eacute;e de sortir &agrave; cette heure... As-tu commenc&eacute; l&rsquo;esquisse de ta Madone&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;Pas encore. Je ne suis pas press&eacute;, car je sais que l&rsquo;ex&eacute;cution ne r&eacute;pondra pas &agrave; ce que je souhaite, comme toujours.<br />La voix du jeune homme fr&eacute;mit de souffrance, &agrave; ces derniers mots. Mais Mme&nbsp;Meurzen ne s&rsquo;en aper&ccedil;ut pas. Elle dit d&rsquo;un ton f&acirc;ch&eacute;&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Tu es le seul &agrave; trouver cela. Tous ceux qui voient tes &oelig;uvres s&rsquo;accordent &agrave; reconna&icirc;tre ton tr&egrave;s haut talent.<br />Un sourire d&rsquo;amertume douloureuse entrouvrit les fortes l&egrave;vres d&rsquo;un rouge ardent,<br />&ndash;&nbsp;Oui, un tr&egrave;s beau talent... Oui, en effet...<br />Tugdual fit quelques pas dans la pi&egrave;ce, un petit salon meubl&eacute; de rotin et de cretonne claire. L&rsquo;ombre de la nuit toute proche semblait descendre d&eacute;j&agrave; dans ses yeux tristes, qui avaient la nuance des feuilles rousses d&eacute;tach&eacute;es par l&rsquo;automne des ramures o&ugrave; la s&egrave;ve s&rsquo;endort. Ses &eacute;paules robustes se courbaient un peu sous le veston ample et commode qui donnait &agrave; cette vigoureuse stature masculine une apparence ais&eacute;e, simple, correcte cependant, car les d&eacute;tails d&eacute;notaient l&rsquo;homme soigneux...|