Extrait<br />| I<br />Il pleuvait depuis le matin &ndash; petite pluie fine, serr&eacute;e, que les marins appellent &laquo;&nbsp;crachin&nbsp;&raquo;. Elle noyait l&rsquo;horizon, &eacute;tendait son triste voile gris, humide, sur la mer sombre presque tranquille aujourd&rsquo;hui, sauf autour des r&eacute;cifs contre lesquels, toujours, elle &eacute;cumait en vagues press&eacute;es, rageuses, comme demandant aux rocs sournois la proie qu&rsquo;ils lui avaient si souvent procur&eacute;e, depuis des si&egrave;cles.<br />La route conduisant au petit port de Conestel n&rsquo;apparaissait pas cependant trop boueuse, gr&acirc;ce &agrave; son sol dur &ndash; un vrai sol de granit&nbsp;! comme le r&eacute;p&eacute;tait le colporteur qui avan&ccedil;ait d&rsquo;un pas lourd, en poussant devant lui une petite voiture recouverte d&rsquo;une toile cir&eacute;e.<br />C&rsquo;&eacute;tait un homme d&rsquo;environ quarante-cinq ans, plut&ocirc;t petit, maigre, les cheveux blonds grisonnants. Des yeux d&rsquo;un bleu vif brillaient dans sa face blafarde, aux traits mous. Une longue p&egrave;lerine en drap verdi tombait sur ses &eacute;paules, un large b&eacute;ret noir le coiffait. Des bottes solides montaient jusqu&rsquo;&agrave; ses genoux, et leurs semelles &eacute;paisses, leurs talons ferr&eacute;s martelaient le sol, qui rendait un son mat.<br />Pr&egrave;s de cet homme marchait une petite fille d&rsquo;une douzaine d&rsquo;ann&eacute;es. Une vieille robe, tr&egrave;s propre, habillait son mince corps souple et alerte. Un capuchon de drap gris cachait compl&egrave;tement ses cheveux, encadrant un visage d&rsquo;une blancheur laiteuse, aux l&egrave;vres fines et roses. Des cils blonds frangeaient les paupi&egrave;res, voilant &agrave; tout instant les yeux d&rsquo;un m&ecirc;me bleu vif que ceux de l&rsquo;homme &ndash; des yeux &agrave; l&rsquo;expression mobile, changeante, singuli&egrave;re.<br />En r&eacute;ponse &agrave; la r&eacute;flexion de son compagnon, elle dit avec une moue d&rsquo;ennui&nbsp;:<br />&ndash;&nbsp;Ce pays est triste, papa&nbsp;!... Y resterons-nous longtemps&nbsp;?<br />&ndash;&nbsp;Peut-&ecirc;tre. Cela d&eacute;pend des renseignements que j&rsquo;obtiendrai... Mais quand le soleil sera l&agrave;, tu verras, Elsa, que cette c&ocirc;te bretonne est tr&egrave;s belle.<br />Tous deux parlaient fran&ccedil;ais, tr&egrave;s correctement. L&rsquo;enfant n&rsquo;avait presque pas d&rsquo;accent &eacute;tranger, mais celui du p&egrave;re, bien que relativement peu prononc&eacute;, d&eacute;non&ccedil;ait n&eacute;anmoins une origine germanique...|