Extrait<br />| I<br />&laquo;&nbsp;On offre &agrave; une famille de trois ou quatre membres au plus le logement et la nourriture dans une demeure seigneuriale, &agrave; des conditions requises qui seront expos&eacute;es &agrave; qui en fera la demande. Le domaine est admirablement situ&eacute;, dans une des plus belles contr&eacute;es foresti&egrave;re de l&rsquo;Autriche. &Eacute;crire poste restante aux initiales I.-L., &agrave; Vienne. &ndash; On exigera les plus s&eacute;rieuses r&eacute;f&eacute;rences.&nbsp;&raquo;<br />Le professeur Lienkwicz abaissa un peu le journal qu&rsquo;il tenait tr&egrave;s rapproch&eacute; de ses yeux de myope. Une expression pensive paraissait sur sa physionomie fine, fl&eacute;trie par l&rsquo;&acirc;ge, les soucis et la souffrance physique, dans ses yeux bleus o&ugrave;, malgr&eacute; les tristesses pass&eacute;es et pr&eacute;sentes, se lisaient toujours la s&eacute;r&eacute;nit&eacute;, l&rsquo;invariable bont&eacute;, la douceur un peu m&eacute;lancolique qui r&eacute;v&eacute;laient si bien l&rsquo;&acirc;me d&rsquo;Adrian Lienkwicz&nbsp;: aimable, affectueuse, paisible, mais un peu faible, ais&eacute;ment d&eacute;courag&eacute;e sous les &eacute;preuves de la vie..., &acirc;me charmante, mystique, &eacute;prise des pass&eacute;s lointains et des l&eacute;gendes d&rsquo;autrefois, capable de se sacrifier sans murmure au devoir, mais fort peu apte &agrave; r&eacute;agir et &agrave; lutter.<br />Adolescent, il avait &eacute;t&eacute;, &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Vienne, &agrave; la fois ador&eacute; et tourment&eacute; de ses camarades. Ceux-ci raillaient sa tranquille am&eacute;nit&eacute;, ses go&ucirc;ts studieux et paisibles, sans pouvoir &eacute;chapper toutefois &agrave; la s&eacute;duction de cet &ecirc;tre souriant et affable, g&eacute;n&eacute;reux jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;imprudence, qui savait apaiser d&rsquo;un regard les plus farouches bretteurs et ne connaissait pas le moyen de refuser &agrave; qui que ce f&ucirc;t son aide mat&eacute;rielle ou morale.<br />Jeune homme, il avait conquis, par sa douceur &eacute;l&eacute;gante et ses mani&egrave;res raffin&eacute;es, la fille du professeur Zulman. Par un effet de la loi des contrastes, ces deux &ecirc;tres tr&egrave;s diff&eacute;rents s&rsquo;&eacute;taient sentis attir&eacute;s l&rsquo;un vers l&rsquo;autre. Sidonia Zulman &eacute;tait une nature combative, dou&eacute;e d&rsquo;&eacute;nergie et de d&eacute;cision, apte, pr&eacute;tendait son p&egrave;re, &agrave; conduire de grandes entreprises. Elle &eacute;tait bonne aussi &ndash; non pas toutefois &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;Adrian. Gr&acirc;ce &agrave; elle, les d&eacute;bris de la fortune des Lienkwicz se trouv&egrave;rent sauv&eacute;s de la ruine qui avait englouti le reste&nbsp;; la g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; du professeur fut dirig&eacute;e par une intelligence pond&eacute;r&eacute;e, qui saisissait aussit&ocirc;t le bien fond&eacute; des demandes et savait pr&eacute;munir l&rsquo;excellent c&oelig;ur d&rsquo;Adrian contre les entra&icirc;nements irr&eacute;fl&eacute;chis...|