Extrait<br />| I<br />Ho&euml;l ouvrit la porte de ch&ecirc;ne vitr&eacute;e de petits carreaux et descendit les trois marches de granit us&eacute; qui menaient &agrave; la cour pav&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dant le jardin.<br />Derri&egrave;re lui s&rsquo;&eacute;levait la vieille fa&ccedil;ade du manoir de Lesv&eacute;lec. Le granit autrefois gris p&acirc;le, extrait de carri&egrave;res voisines, avait pris des tons sombres. Autour des fen&ecirc;tres &agrave; petites vitres verd&acirc;tres courait un rinceau sculpt&eacute; repr&eacute;sentant des coquillages et se terminant, au-dessus de chacune d&rsquo;elles, en une accolade form&eacute;e de deux serpents.<br />La cour &eacute;tait bien tenue, sans herbe parmi les pav&eacute;s, us&eacute;s eux aussi. &Agrave; droite, sur un haut mur, s&rsquo;&eacute;tendait l&rsquo;admirable floraison de cam&eacute;lias roses et blancs. Mais le jardin &eacute;tait n&eacute;glig&eacute;. Les arbres, poussant &agrave; leur guise, &eacute;touffaient de leur ombre les plantes &agrave; fleurs, autrefois nombreuses et bien soign&eacute;es. Les all&eacute;es, d&eacute;sherb&eacute;es deux fois dans la saison d&rsquo;&eacute;t&eacute;, reprenaient vite leur frais tapis vert. Dans l&rsquo;abondant feuillage, les oiseaux avaient trouv&eacute; une agr&eacute;able demeure et leur gazouillement emplissait l&rsquo;ombre o&ugrave; s&rsquo;avan&ccedil;ait Ho&euml;l de Penandour.<br />Cet adolescent maigre et brun &eacute;tait le descendant de vieilles races bretonnes. Ses traits fins, son teint mat l&eacute;g&egrave;rement dor&eacute;, ses cheveux noirs qui tendaient &agrave; boucler, il les tenait de son a&iuml;eule maternelle, une Rosnoan, de Tr&eacute;gaz-en-L&eacute;on. Les Penandour, marins ou agriculteurs, les deux souvent ensemble, lui avaient l&eacute;gu&eacute; ces yeux aux teintes changeantes d&rsquo;oc&eacute;an. De sa m&egrave;re, la douce Anne de Cl&eacute;den, morte en lui donnant le jour, il h&eacute;ritait la souple allure un peu indolente, les go&ucirc;ts artistiques et intellectuels.<br />La mine pensive, serrant dans sa main droite un mince volume, Ho&euml;l marchait le long d&rsquo;une all&eacute;e bord&eacute;e de buis mal taill&eacute;s. Cette matin&eacute;e de juin, brumeuse aux premi&egrave;res heures du jour, commen&ccedil;ait de s&rsquo;ensoleiller. Mais la lumi&egrave;re ne p&eacute;n&eacute;trait pas &agrave; son gr&eacute; entre les feuillages touffus, dont l&rsquo;ombre se faisait plus dense &agrave; mesure qu&rsquo;Ho&euml;l avan&ccedil;ait vers le fond du jardin.<br />Il d&eacute;boucha enfin dans une sorte de quinconce form&eacute; par de vieux marronniers. Au centre s&rsquo;&eacute;levait une fontaine&nbsp;: un bloc de granit, noir, stri&eacute; de lichens, surmont&eacute; d&rsquo;une t&ecirc;te grima&ccedil;ante dont la bouche laissait glisser un mince filet d&rsquo;eau dans une vasque de pierre verdie...|