Le Reste est silence est un roman d&#39;Edmond Jaloux publi&eacute; en 1910.<br />Pr&eacute;sentation<br />Extrait<br />| I<br />Je m&rsquo;en souviens bien, c&rsquo;&eacute;tait un dimanche. Je n&rsquo;aimais pas beaucoup ce jour-l&agrave;&nbsp;; on me coiffait longuement et minutieusement, on m&rsquo;habillait avec plus d&rsquo;&eacute;l&eacute;gance que de coutume, et tout cela ne se passait point sans que je fusse un peu bouscul&eacute; et pas mal grond&eacute;. Ensuite, nous allions &agrave; la messe, ce qui ne m&rsquo;amusait pas davantage&nbsp;; j&rsquo;avais un livre, et je devais y suivre la c&eacute;r&eacute;monie. Je le revois, ce pauvre livre&nbsp;: il &eacute;tait &eacute;troit et long, avec une reliure molle, dont les coins se tordaient et dont la couleur bleue semblait r&acirc;p&eacute;e. Je ne savais jamais o&ugrave; en &eacute;tait le pr&ecirc;tre. De temps en temps, je questionnais ma m&egrave;re&nbsp;; elle m&rsquo;indiquait un passage de son doigt gant&eacute;, et je lisais, je lisais, avidement, sans aucun souci d&rsquo;&ecirc;tre en rapport avec l&rsquo;office, puis, quand j&rsquo;avais une grande avance, je m&rsquo;arr&ecirc;tais et tombais dans une m&eacute;ditation profonde. J&rsquo;&eacute;tais surtout vex&eacute; qu&rsquo;on me d&eacute;fend&icirc;t de parler et de tourner la t&ecirc;te quand j&rsquo;entendais quelqu&rsquo;un remuer derri&egrave;re ma chaise.<br />Mais le plus terrible, le dimanche, c&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;apr&egrave;s-midi. Mon p&egrave;re avait des id&eacute;es simples&nbsp;; il voulait que sa femme m&icirc;t sa plus belle robe et que nous sortissions ensemble. Elle &eacute;tait toute jeune et bien jolie, et il &eacute;tait fier de la montrer &agrave; son bras et d&rsquo;avoir l&rsquo;air de dire aux gens&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est moi, qui suis le mari de cette d&eacute;licieuse cr&eacute;ature&hellip;&nbsp;&raquo; Mais elle ne prenait pas le m&ecirc;me plaisir que lui, elle &eacute;tait loin de partager sur la vie toutes ses opinions, &mdash; peut-&ecirc;tre m&ecirc;me n&rsquo;en partageait-elle aucune, &mdash; et la raison pour laquelle ces deux &ecirc;tres s&rsquo;&eacute;taient r&eacute;unis, Dieu seul la sait&nbsp;!...|