J&rsquo;ai quitt&eacute; la France dans le d&eacute;luge de Saint-M&eacute;dard. Je trouve un Alger glacial, sans soleil, avec une mer verte et houleuse, un vent si coupant, si sec, le long des quais, sous les arcades, que les terrasses de caf&eacute;s sont d&eacute;sertes et les squares abandonn&eacute;s.<br />J&rsquo;ai eu tout juste le temps de faire porter mes bagages &agrave; l&rsquo;express de nuit qui marche sur Oran.<br />Elle est divertissante &agrave; observer par une fen&ecirc;tre de wagon, la vie de cette banlieue alg&eacute;rienne. Cela ressemble, d&rsquo;une fa&ccedil;on comique &agrave; nos trains de la campagne parisienne. Toutes les cinq minutes on arr&ecirc;te.<br />&mdash; L&rsquo;Agha ! Hussein-Dey ! Maison-Carr&eacute;e ! Bouffarik ! Blidah !<br />Et ce sont des fillettes qui remontent de la mer avec leurs costumes de bain sous le bras, &mdash; des jeunes femmes, de retour de la ville, charg&eacute;es d&rsquo;emplettes, &mdash; des p&egrave;res de famille qui reviennent du travail quotidien et que l&rsquo;on attend, en bandes, sur le quai envahi, bruyant, o&ugrave; les Arabes coudoient la population europ&eacute;enne, o&ugrave; de petits voyous bronz&eacute;s, pieds nus, coiff&eacute;s de calottes rouges, crient les journaux du soir avec des intonations faubouriennes. Tout autour, un d&eacute;cor d&rsquo;eucalyptus et de palmiers. Les premi&egrave;res lanternes de la voie qui s&rsquo;allument font danser des lumi&egrave;res et des ombres sur ce grouillement de foule bariol&eacute;e, qui rit et qui parle haut. Et le glissement des Arabes, tout blancs, muets au milieu de cette joie de vivre, a quelque chose qui inqui&egrave;te aux approches du soir&hellip;