Bien souvent, dans mon existence, j&rsquo;ai &eacute;prouv&eacute; la bizarre conscience que mon &ecirc;tre se d&eacute;doublait, que d&rsquo;autres &ecirc;tres vivaient ou avaient v&eacute;cu en lui, en d&rsquo;autres temps ou en d&rsquo;autres lieux. Ne proteste point, &ocirc; toi, mon futur lecteur. Mais scrute toi-m&ecirc;me ta conscience. Retourne en arri&egrave;re tes pens&eacute;es, vers l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; ta personne physique et morale n&rsquo;&eacute;tait pas encore cristallis&eacute;e, o&ugrave;, mati&egrave;re plastique, &acirc;me en flux comme la mer montante, tu sentais &agrave; peine, dans le bouillonnement tumultueux de ton &ecirc;tre, ton identit&eacute; se former.<br />Alors tu te souviendras peut-&ecirc;tre, en lisant ces lignes, de choses oubli&eacute;es (car beaucoup d&rsquo;oubli t&rsquo;est venu depuis), de visions ind&eacute;cises et brumeuses, qui pass&egrave;rent devant tes yeux d&rsquo;enfant et qui, aujourd&rsquo;hui, ne t&rsquo;apparaissent plus que comme des r&ecirc;ves irr&eacute;els, faits de pure fantaisie et qui pr&ecirc;tent &agrave; rire.