Le tout jeune professeur – il n’a pas vingt ans – est appelé comme tant d’autres. <br>Né à Ascain, bachelier à 15 ans, Joseph avait envie de voir, d’apprendre encore, de vivre. S’offre à lui la plus sotte, la plus bestiale des aventures : la guerre. <br>Il était singulier : basque, érudit déjà, croyant, fantasque, affectueux. <br>Il devient un matricule, on l’uniforme. On lui dit « va », il va, « creuse », il creuse. Marche, veille. <br>Il n’est pas dans le combat. Pas de haine, ni d’enthousiasme. La guerre c’est son devoir. Ceux de son sang savent l’effort et le don de soi. <br>Il sert. <br>Il observe tout : ses camarades, l’ennemi, lui-même, les civils rencontrés, les maisons, les champs, les arbres. <br>Et il écrit, souvent, très souvent, presque tous les jours, à sa sœur restée au pays, à Ascain. <br>Il sait écrire. L’émotion, l’état d’âme, la colère parfois, la fatigue. Avec pudeur, avec tendresse pour Maria Dominica et les parents qu’il faut ménager. <br>La censure veille. On ne peut pas tout dire. <br>Alors il y a la langue basque. La phrase de connivence s’intercale soudain dans le texte insipide et c’est comme le clin d’œil du joueur de muss qui dit tout à qui sait le comprendre. <br>Le 16 juin au matin, la balle allemande entre par une oreille et sort par l’autre. Il tombe. Un soupir. <br>Parenthèse fermée. <br>Point final. <br>20 ans.<br>