Le paquebot est amarr&eacute; &agrave; quai. Ses flancs goudronn&eacute;s se dressent comme des falaises. Ses bordages sont laqu&eacute;s de blanc, les chemin&eacute;es de rouge.<br />Un paquebot est beaucoup plus accueillant qu&rsquo;un express. Un express siffle, crache et vous claque la porti&egrave;re au visage ; c&rsquo;est une personne emport&eacute;e et rageuse ; il n&rsquo;aime pas les voyageurs. Le paquebot, lui, a tout son temps ; il n&rsquo;est ni &agrave; une heure, ni m&ecirc;me &agrave; un jour pr&egrave;s. Il sait que la route sera longue, que lorsqu&rsquo;il aura lentement, en bonne baleine docile, vir&eacute; de bord sur le large, il lui faudra y aller de son effort, sans r&eacute;pit, sans arr&ecirc;t, de longs jours &agrave; travers les plaines sal&eacute;es, &agrave; travers la solitude de la mer. Il sait que ce sera pendant des semaines l&rsquo;ahan quotidien des machines, la pulsation des bielles et des turbines, le sourd hal&egrave;tement des organes moteurs, le vrombissement des h&eacute;lices, le rythme de ce c&oelig;ur profond du navire que l&rsquo;on sent palpiter &agrave; toute heure du jour et de la nuit. Il est calme et patient comme un colosse.