Avant tout j&rsquo;ai voulu revoir la ville de province o&ugrave; s&rsquo;est &eacute;coul&eacute;e la partie de ma jeunesse dont j&rsquo;entreprends le r&eacute;cit en ces pages loyales. Pour la premi&egrave;re fois depuis des ann&eacute;es, j&rsquo;ai fait ce p&egrave;lerinage douloureux et charmant, et les gens de Saint-Jore-en-Houlme ont pu reconna&icirc;tre, dans l&rsquo;homme que je suis, l&rsquo;enfant qu&rsquo;ils ont banni jadis comme un r&eacute;prouv&eacute;. Nul doute que mon audace ne les ait remplis d&rsquo;indignation. Moi, je n&rsquo;ai m&ecirc;me point tressailli de cette ivresse orgueilleuse que me causait l&rsquo;hostilit&eacute; des regards. L&rsquo;&eacute;motion refoule les instincts vulgaires, et celle qui jaillit &agrave; l&rsquo;&eacute;vocation de notre pass&eacute; dans les &acirc;mes sensibles est pure entre les plus pures.<br />Ainsi donc je les ai suivies de nouveau ces rues o&ugrave; chaque pas me rappelle un instant d&rsquo;angoisse ou de f&eacute;licit&eacute;. J&rsquo;ai long&eacute; cette avenue o&ugrave; me jetait soudain l&rsquo;espoir d&rsquo;une rencontre fortuite. Je me suis arr&ecirc;t&eacute; devant ces vitrines o&ugrave; j&rsquo;attendais impatiemment que ma bien-aim&eacute;e appar&ucirc;t &agrave; quelque tournant voisin. Ici, d&rsquo;un trottoir &agrave; l&rsquo;autre, elle m&rsquo;a souri. L&agrave;, elle a feint de ne pas me voir. En cette impasse obscure, nous avons r&eacute;ussi &agrave; nous rejoindre. Sous ce porche, j&rsquo;ai pleur&eacute;.