Almazan se l&rsquo;avoua &agrave; lui-m&ecirc;me avec &eacute;tonnement : Il avait peur. Il ne savait pas pourquoi. Il &eacute;prouvait une angoisse sans cause apparente, l&rsquo;attente d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement impr&eacute;vu et d&rsquo;une nature terrible.<br />Il souleva la porti&egrave;re de toile de la chambre o&ugrave; il marchait, il traversa d&rsquo;un pas ferme le patio andalou o&ugrave; la lune mettait des lueurs sur les azulejos multicolores et il ouvrit l&rsquo;&eacute;troite fen&ecirc;tre qui donnait sur le quai.<br />Il se pencha avec la sensation qu&rsquo;une forme jaillie de l&rsquo;ombre allait le saisir par le cou.<br />Tout &eacute;tait calme. Le faubourg de Triana reposait. Almazan vit de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; du Guadalquivir la masse de la tour de l&rsquo;Or et le grand rempart couleur ocre qui la reliait &agrave; l&rsquo;Alcazar. &nbsp;<br />La force tranquille des pierres le rassura. Les minarets que certaines maisons avaient gard&eacute;s de l&rsquo;&eacute;poque Mauresque se d&eacute;coupaient dans le ciel comme des jeunes filles exalt&eacute;es par la chaude nuit. Sur sa gauche il y avait des lampes allum&eacute;es dans la Juiverie de Santa Cruz et plus loin dans la Maurerie o&ugrave; habitaient les cardeurs et les tisserands. Le paysage qu&rsquo;Almazan avait sous les yeux &eacute;tait familier et paisible.