Il y a dans le vieux quartier de Singapour une rue avec deux pentes qui forme la bosse d&rsquo;un chameau. Au sommet de cette bosse, parmi les maisons l&eacute;preuses &eacute;cras&eacute;es les unes contre les autres, s&rsquo;ouvre une porte grossi&egrave;rement sculpt&eacute;e dont la partie haute repr&eacute;sente un mufle de f&eacute;lin et que l&rsquo;on appelle &agrave; cause de cet embl&egrave;me, la porte du Tigre.<br />Une des deux pentes de la rue descend vers un bassin abandonn&eacute; du port o&ugrave; l&rsquo;on rel&egrave;gue les sampans hors d&rsquo;usage et les jonques &agrave; demi-mortes. Et &agrave; l&rsquo;endroit o&ugrave; la rue bossu&eacute;e aboutit au quai &eacute;troit, une pierre aigu&euml; surgit du sol, nomm&eacute;e par la population chinoise et malaise, la dent du requin.<br />En v&eacute;rit&eacute;, ce ne pouvait &ecirc;tre que dans cette rue o&ugrave; tout &eacute;tait &agrave; l&rsquo;image de l&rsquo;animal, que moi, le fils de commer&ccedil;ants en b&ecirc;tes empaill&eacute;es, devenu le dompteur intr&eacute;pide de b&ecirc;tes vivantes, je devais voir s&rsquo;allonger sur mon &acirc;me la premi&egrave;re ombre de ma destin&eacute;e &eacute;tonnante.