Amants et Voleurs est un roman de Tristan Bernard publi&eacute; en 1905.<br />Extrait<br />I EN CASQUE ET SABRE<br />| &mdash;&nbsp;Simon, vous ne serrez pas votre distance, vous serez consign&eacute; deux kummels.<br />J&rsquo;&eacute;tais habitu&eacute; &agrave; cette plaisanterie que me faisait au man&egrave;ge le brigadier Merlaux. Il avait adopt&eacute; cette forme elliptique, les deux jours de consigne qu&rsquo;il me donnait &eacute;tant g&eacute;n&eacute;ralement lev&eacute;s &agrave; la cantine. Ce qui m&rsquo;ennuyait le plus, ce n&rsquo;&eacute;tait pas d&rsquo;offrir deux kummels, c&rsquo;&eacute;tait d&rsquo;&ecirc;tre oblig&eacute; d&rsquo;en boire un.<br />Nous &eacute;tions une douzaine &agrave; la file dans le man&egrave;ge vaste et sombre. Avec nos bourgerons mal tir&eacute;s et nos ceinturons de cuir, nous ressemblions &agrave; de grands enfants. Juch&eacute; sur ma jument Lunette, les pieds pendants, faute d&rsquo;&eacute;triers, j&rsquo;&eacute;tais partag&eacute; entre la crainte d&rsquo;&ecirc;tre puni et la pr&eacute;occupation de ne pas amener les naseaux de Lunette trop pr&egrave;s de la croupe de Franchise, qui ruait.<br />L&rsquo;officier charg&eacute; des &eacute;l&egrave;ves-brigadiers &eacute;tait parti ce jour-l&agrave; de bonne heure, et notre mar&eacute;chal des logis n&rsquo;avait pas tard&eacute; &agrave; le suivre. Cette double d&eacute;fection lui donnant le pouvoir supr&ecirc;me, le brigadier Merlaux avait quitt&eacute; la t&ecirc;te de la reprise et s&rsquo;&eacute;tait plac&eacute; au centre du man&egrave;ge. Nous continuions &agrave; trotter sans &eacute;triers. Quelques-uns d&rsquo;entre nous, impatients et autoritaires, soufflaient au brigadier le commandement&nbsp;: Au pas&nbsp;!&hellip; Mais il restait les yeux fix&eacute;s sur la baie du man&egrave;ge, et disait entre ses dents&nbsp;:<br />&mdash;&nbsp;Un instant, nom de Dieu&nbsp;! Le sous-officier est encore dans la cour&nbsp;!&hellip;<br />&mdash;&nbsp;Au pas&nbsp;! tas de veaux&nbsp;! nous dit-il un instant apr&egrave;s. Feignants de malheur, qui ne veulent rien savoir pour aller cinq minutes au trot sans &eacute;triers&nbsp;! Du temps que j&rsquo;ai fait mes classes, tu parles que l&rsquo;on pilait pendant des trois quarts d&rsquo;heure, et c&rsquo;est rare si nos grad&eacute;s, &agrave; nous, &eacute;taient des poires comme moi, et s&rsquo;ils nous avaient &agrave; la bonne&nbsp;!<br />La reprise avait maintenant l&rsquo;aspect &eacute;l&eacute;gant d&rsquo;un groupe de cavaliers dans l&rsquo;all&eacute;e des Poteaux. Nous allions deux par deux ou trois par trois, les r&ecirc;nes flottantes, et des conversations particuli&egrave;res anim&eacute;es heurtaient d&rsquo;&eacute;chos discordants le froid silence du man&egrave;ge...|