Aux abois - Journal d&#39;un meurtier est un roman policier de Tristan Bernard publi&eacute; en 1933.<br />Extrait<br />| JOURNAL D&rsquo;UN MEURTRIER<br />La chambre o&ugrave; j&rsquo;&eacute;cris est au troisi&egrave;me &eacute;tage d&rsquo;un h&ocirc;tel du Havre. Elle donne sur un des bassins. Mais &agrave; quoi bon d&eacute;crire ce que je vois&nbsp;? Ce n&rsquo;est pas pour cela que j&rsquo;ai pris la plume. J&rsquo;&eacute;cris pour moi tout seul. J&rsquo;&eacute;cris parce que je n&rsquo;ai personne &agrave; qui parler. Et comme je ne veux pas que ces pages tra&icirc;nent, je les enverrai sous des initiales dans un bureau de poste de Paris, toujours le m&ecirc;me pour ne pas me tromper.<br />Je me regarde dans la glace, je ne suis ni beau ni laid, ni grand ni petit. J&rsquo;ai trente-quatre ans. Il y a des personnes qui me donneront moins, d&rsquo;autres plus. Mais quand je dirai mon &acirc;ge, elles n&rsquo;insisteront pas, car cette &eacute;valuation ne leur tient pas &agrave; c&oelig;ur. Mon nez para&icirc;t un peu pointu depuis que je ne porte plus que la moustache. J&rsquo;ai des cheveux ch&acirc;tain clair pas tr&egrave;s dociles. Quand je me coiffe avec une raie, &ccedil;a ne tient pas.<br />J&rsquo;ai un peu d&rsquo;instruction, j&rsquo;ai pass&eacute; mon bachot. Au lyc&eacute;e, je n&rsquo;ai pas fait sensation. Il y avait des professeurs qui me jugeaient int&eacute;ressant, mais la plupart ne faisaient pas attention &agrave; moi.<br />Je me suis mari&eacute; de bonne heure, &agrave; vingt-quatre ans, et j&rsquo;ai divorc&eacute; il y a trois ans. Ma femme me trompait.<br />C&rsquo;est moi qui ai pris les torts &agrave; mon compte. Ce n&rsquo;&eacute;tait pas une mauvaise cr&eacute;ature. Elle r&eacute;fl&eacute;chissait peu, voil&agrave; tout.<br />Elle &eacute;coutait facilement les gens quand ils lui plaisaient. Moi, elle ne m&rsquo;a pas &eacute;cout&eacute; longtemps.<br />Elle vit avec son amant, qui n&rsquo;est pas non plus un mauvais type. Je sais qu&rsquo;ils ne sont pas tr&egrave;s heureux au point de vue mat&eacute;riel. Jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, je lui ai servi r&eacute;guli&egrave;rement sa pension. Maintenant, &ccedil;a commence &agrave; &ecirc;tre dur...|