Le Taxi fant&ocirc;me est un roman de Tristan Bernard publi&eacute; en 1919.<br />Extrait<br />| I<br />La guerre et quatre ans avaient fait de ce jeune lyc&eacute;en un lieutenant d&rsquo;artillerie aux larges &eacute;paules, et transform&eacute; en une grande demoiselle blonde une petite fille de mil neuf cent quatorze, Marie-Louise Dacquin, la fille du banquier. L&rsquo;artilleur, c&rsquo;&eacute;tait Jacques Arnaud Lambelle, le fils de l&rsquo;historien.<br />Ils se rencontraient, ce soir-l&agrave;, chez Mme&nbsp;Alban, dans une c&eacute;l&egrave;bre salle &agrave; manger litt&eacute;raire o&ugrave; l&rsquo;on invitait des acad&eacute;miciens souriants et f&eacute;roces, pour les mettre en pr&eacute;sence des candidats &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie, qui arrivaient la gorge d&eacute;couverte, tels, jadis, les clients du Minotaure...<br />La ma&icirc;tresse de la maison d&eacute;testait Pachol depuis qu&rsquo;un jour il avait laiss&eacute; sans r&eacute;ponse une demande de cartes pour la Chambre. Aussi favorisait-elle la candidature de Lambelle, et l&rsquo;avait-elle invit&eacute; ce soir-l&agrave;, en m&ecirc;me temps que deux acad&eacute;miciens influents.<br />Le fils Lambelle, &agrave; table, s&rsquo;&eacute;tait trouv&eacute; plac&eacute; &agrave; gauche de Mlle&nbsp;Dacquin, dont il s&rsquo;occupa bient&ocirc;t exclusivement, car son autre voisine &eacute;tait une vieille fille vorace qui ne cessait de m&acirc;cher de la nourriture, en remuant de fond en comble son visage bistre sous les deux moustaches de ses sourcils.<br />Marie-Louise, &agrave; un moment, tourna l&eacute;g&egrave;rement la t&ecirc;te et il sembla &agrave; Jacques que la ligne de son cou &eacute;tait d&rsquo;une gr&acirc;ce sans &eacute;gale. Il d&eacute;cida &ndash;&nbsp;un bon vin de Bourgogne aidant&nbsp;&ndash; qu&rsquo;il aimerait pour la vie cette personne. En cons&eacute;quence de quoi, &agrave; part celui-l&agrave;, il lui dit tous les secrets de son c&oelig;ur...|