C&rsquo;&eacute;tait jadis la nourrice qui troublait, par son omnipotence, les paisibles int&eacute;rieurs bourgeois. Aujourd&rsquo;hui c&rsquo;est le m&eacute;canicien qui prend place parmi les tyrans des familles. La sollicitude inqui&egrave;te avec laquelle on parle &agrave; une nourrice, pour ne pas lui g&acirc;ter son lait, n&rsquo;est pas sans ressembler &agrave; la d&eacute;f&eacute;rence timide qu&rsquo;on a pour ce dieu familier, le m&eacute;canicien.<br />A vrai dire, chez le chauffeur vraiment &laquo;chauffeur&raquo;, qui conduit lui-m&ecirc;me sa voiture, qui en conna&icirc;t bien les organes, le m&eacute;canicien employ&eacute; perd beaucoup de son importance. Il n&rsquo;est plus qu&rsquo;une sorte de nourrice s&egrave;che, facile &agrave; remplacer. Mais quand le ma&icirc;tre de la maison n&rsquo;a, du v&eacute;ritable automobiliste, que la pelisse et les lunettes,&nbsp;le m&eacute;canicien est seul &agrave; pouvoir, dans les moments difficiles, interroger le myst&eacute;rieux moteur, comme les entrailles d&rsquo;une b&ecirc;te sacr&eacute;e. Alors il devient, dans les vill&eacute;giatures, le personnage important de la tribu. C&rsquo;est lui qui r&egrave;gle l&rsquo;emploi du temps, qui d&eacute;cide que l&rsquo;on pourra sortir et quelle sera la dur&eacute;e des promenades. Certains mots fatidiques, &laquo;levier fauss&eacute;&raquo;, &laquo;bougie &agrave; remplacer&raquo;, sont dits par lui avec autorit&eacute; au ma&icirc;tre du logis, souverain de nom, qui les r&eacute;p&egrave;te &agrave; ses h&ocirc;tes en hochant gravement la t&ecirc;te.