Mathilde et ses mitaines est un roman de Tristan Bernard publi&eacute; en 1912.<br />Extrait<br />| Il &eacute;tait un peu plus de minuit quand Firmin Remongel descendit du M&eacute;tro &agrave; la station de &laquo;&nbsp;Couronnes,&nbsp;&raquo; et prit la rue mal &eacute;clair&eacute;e qui le menait &agrave; son domicile.<br />Pourquoi &eacute;tait-il venu habiter &agrave; Belleville, lui qui faisait son droit de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; des ponts&nbsp;?<br />C&rsquo;est que Belleville n&rsquo;&eacute;tait pas loin du faubourg du Temple. Or, c&rsquo;&eacute;tait dans ce faubourg que le p&egrave;re de Firmin, fabricant de chapeaux de paille &agrave; Vesoul, avait l&rsquo;habitude de descendre, depuis vingt-cinq ans, chaque fois qu&rsquo;il venait &agrave; Paris. De sorte que, pour toute la famille Remongel, le faubourg du Temple &eacute;tait devenu une esp&egrave;ce de centre explor&eacute;, et &agrave; peu pr&egrave;s s&ucirc;r au milieu de ce vaste Paris mal connu et suspect. Il n&rsquo;&eacute;tait pas prudent du tout de s&rsquo;aventurer dans les autres quartiers.<br />Cette conception un peu sp&eacute;ciale de la g&eacute;ographie parisienne avait tromp&eacute; le jeune Firmin. Il avait cru innocemment qu&rsquo;en traversant le boulevard ext&eacute;rieur, pour aller louer &agrave; quelques centaines de m&egrave;tres, il ne s&rsquo;&eacute;garait pas trop loin de la zone tut&eacute;laire.<br />D&eacute;cid&eacute; par la modicit&eacute; du prix, bien qu&rsquo;il ne f&ucirc;t pas avare, il avait lou&eacute; une petite chambre tr&egrave;s confortable dans une maison meubl&eacute;e, d&rsquo;ailleurs fort convenablement habit&eacute;e, mais qu&rsquo;on ne pouvait atteindre qu&rsquo;apr&egrave;s avoir travers&eacute; deux ou trois rues inqui&eacute;tantes, o&ugrave; l&rsquo;on voyait se glisser, pass&eacute; onze heures du soir, trop d&rsquo;ombres pr&eacute;cautionneuses. Une fois la maison choisie, et son adresse envoy&eacute;e &agrave; sa famille, il n&rsquo;osa donner cong&eacute;, car il e&ucirc;t fallu s&rsquo;avouer &agrave; lui-m&ecirc;me qu&rsquo;il n&rsquo;&eacute;tait pas rassur&eacute;, et son courage traditionnel s&rsquo;y refusait.<br />Il se fit la promesse tacite de ne pas rentrer trop tard le soir.<br />&mdash;&nbsp;Il vaut mieux, se dit-il avec sagesse, que je travaille &agrave; la maison plut&ocirc;t que d&rsquo;aller perdre mon temps dans les caf&eacute;s...|